Un citoyen s'exprime - Débat public sur le PNGDMR à Nevers

18/06/2019 23:06

Intervention de Daniel DEPREZ, retraité, au grand débat public sur le PNGDMR (Plan National de Gestion des Déchets et Matières Radioactives)
NEVERS le 18 juin 2019.
 

Chez moi, quand les toilettes sont bouchées, je ne demande pas l’avis de mon voisin sur la manière de gérer mes déchets.

Il est étrange, qu’aujourd’hui, on nous demande de nous exprimer sur la gestion des toilettes atomiques qui débordent.

  • D’autant plus curieux qu’en 75 ans d’activité nucléaire, jamais, le citoyen n’a été consulté pour donner son avis, sur des choix énergétiques qui nous conduisent aujourd’hui dans le mur.
     

D’autant plus surprenant, ce désir soudain de débattre au national, alors qu’il est si difficile de communiquer sur la question nucléaire dans nos régions.

  • Que penser d’un président de CLI (Commission Locale d'Information), ne répondant pas à une invitation à débattre sur le nouveau plan particulier d’intervention ? Courrier envoyé cependant en recommandé avec accusé de réception dont je n’ai eu aucun retour.
  • Que penser de la clause de confidentialité qu’un directeur de centrale, ajoute à son courrier, répondant à mes questions en m’empêchant ainsi de partager avec d’autres citoyens.
  • La pression plus ou moins discrète du lobby est telle, que la projection d’un film sur la catastrophe de Fukushima a été programmé, mais sans débat avec le réalisateur.

Alors, si on veut débattre, débattons mais commençons par clarifier certains points.

Peut-on parler d’un nucléaire propre, bas carbone, quand, dans le bilan, on omet de compter, les quantités phénoménales de CO2 produites par toute la chaîne du combustible, de l’extraction du minerai jusqu’au stockage, en passant par les constructions et les transports.
L’argument bas carbone, n’est qu’un bel argument green-washing pour cacher les millions de tonnes de produits radiotoxiques, appelés pompeusement, matières valorisables, alors qu’à peine 1 % de ces résidus n’est recyclé.

Faut-il encore défendre le dogme du retraitement que, seule la France, s’entête à perpétuer ?

Un retraitement, qui complique terriblement la gestion du stockage.

  • On entretient l’illusion de consommer prochainement ce stock de déchets dans un futur réacteur à neutrons rapides au joli nom d’Astrid qui n’est rien d’autre qu’une copie du super-ratage de Super-Phénix.
  • L’argument ‘’Le nucléaire sauvera le climat’’ oublie complètement que dans le monde, la quasi totalité de l’énergie vient des ressources fossiles et que le nucléaire ne compte que pour à peine 4,5 % de la consommation énergétique primaire mondiale.
    Faut-il alors multiplier réacteurs, EPR ou autres fantaisies hors de prix, pour sauver la planète, alors que les catastrophes récentes que vous connaissez, et les déchets qui parsèment notre territoire, font aujourd’hui débat.
  • La Hague, au bord d’une crise d’apoplexie réclame que nous réfléchissions aux modes de stockage dans des conditions de sûreté et de sécurité, c’est le thème de ce soir.
  • Depuis le PNGDMR précédent, EDF devait présenter ses solutions au problème de la saturation d'entreposage des combustibles usés. Elle n'en a présenté qu'une seule : la piscine centralisée.
    Son dossier d'options de sûreté transmis a certaines assos environnementales était censuré de ses données chiffrées. Pour débattre, les citoyens ont-ils en main, tous les éléments ?
    Il est question que cette piscine soit implantée à Belleville, à deux pas d’ici.

Pourquoi s’entêter à vouloir centraliser les assemblages de combustibles usés dans une piscine géante concentrant, en deux unités, l’équivalent d’une centaine de coeurs de réacteurs ?

Une piscine à laquelle notre région s’oppose ainsi que bon nombre d’associations et de citoyens.

Mesure-t-on le risque potentiel de cette énergie en dormance, susceptible par imprévisibilité, de générer une catastrophe hors norme ?

  • Au cours du siècle, voire davantage que fonctionnera cette installation, peut-on garantir que les crises géopolitiques, l’amélioration des armes de guerre, ne mettront pas en péril ce projet démesuré ?
  • A-t-on évalué le pognon de dingue que coûtera cette super structure qui ne rapportera aucun centime et très peu d’emplois puisqu’on nous vante l’automaticité de son fonctionnement ?
  • A-t-on compté le nombre de transports radioactifs sillonnant quotidiennement notre région pour alimenter le site ?
  • Compte tenu des dimensions et des exigences de sécurité post-Fukushima, peut-on quantifier la masse de l’ensemble, censé reposer sur le lit de la Loire, par nature instable.
  • Lors de la dernière inondation, en 2003, l’îlot nucléaire se trouvait entouré d’eau. Les conséquences de la crue étaient équivalentes à celles de 1866 dont le débit du fleuve était double.
  • En effet la construction du CNPE a contribué à perturber l’écoulement des eaux. Quels seront les effets d’une deuxième plateforme dans ces conditions ? Pourquoi dresser cet édifice à risque, en zone inondable, alors que les plans d’urbanisme en interdisent toute construction ?

La piscine, nous n’en voulons pas. Ni à Belleville, ni ailleurs.

À titre personnel, pour mes enfants et mes petits enfants, je refuse de leur laisser en héritage la gestion risquée, polluante, au coût exorbitant d’une industrie qui ne rapportera plus aucun centime et dont les contribuables de demain porteront la charge.

Pourquoi s’est-on engagé dès le début sur la seule solution du stockage en couche géologique profonde, sans étudier les alternatives en terme de coût, de sûreté, sécurité techniquement réalisable ?

Il est étrange que l’Allemagne, la Corée du sud, et d’autres pays pratiquent l’entreposage à sec. Aux États-Unis, par le biais d’une publicité offensive, Orano en fait même sa spécialité. À La Hague, certains assemblages de combustibles sont suffisamment refroidis pour mériter un entreposage à sec. Ce désengorgement laisserait la place pour accueillir de nouveaux arrivages de combustibles.

Si chaque installation nucléaire de base possède son stockage à sec, le projet insensé de piscine géante ne se justifie plus.

Je me réjouis que l'IRSN ait publié 2 notes concernant les alternatives à l'enfouissement et les alternatives à l'entreposage en piscine... en date du 15 mai (un mois après le début du débat public !).

Comment le public peut-il exercer une réflexion critique, sans comparer diverses solutions ?

Au-delà du débat, on voit bien, sans sortir de polytechnique, que cette production sans fin de déchets n’a pas d’issue.

Le bon sens demande à sortir, sans délai, du nucléaire et de consacrer notre intelligence et nos ressources à des énergies durables, renouvelables et moins polluantes.

 

Je vous remercie de votre attention.